Le jour où j'ai découvert le mot interdit

Attention, je risque la censure éternelle pour ce que je m'apprête à faire. C'est peut-être mon dernier article ici car je vais devoir assumer les conséquences de mes actes. Je prends des risques pour toi, tu le sais, ça ? Un peu de reconnaissance ne serait pas du luxe. Tu peux envoyer tes Melo Cakes pour me remercier. Et si tu ne sais pas ce que c'est, tu crains.

Alors, la raison pour laquelle je brave le danger des censeurs est la suivante : on ne dit pas "j'ai un cancer du sein", mais "j'ai un nodule malin dans le sein".

Tu saisis la nuance ? CANCER est un gros mot dans le milieu médical et jusqu'à présent aucun des médecins à qui j'ai eu affaire ne l'a employé. Non, à la place on a le choix : "nodule malin" ou "grosseur maligne" voire "masse suspecte", c'est fou l'imagination dont le corps soignant peut faire preuve.

Surtout que moi, mon nodule, il est tellement malin qu'il a réussi à faire entrer un pote avec lui. Ah, les videurs de nichons c'est plus ce que c'était. Maintenant n'importe qui peut s'incruster dans ton nibard sans que tu aies ton mot à dire. Foutu personnel incompétent !

Et ton "mot à dire" (t'as vu la transition de ouf malade que je te fais là ?) ne doit surtout pas être CANCER, parbleu ! C'est une sorte de grossièreté déguisée en signe du zodiaque... T'imagines l'horoscope du cancer si on se fiait uniquement à la première connotation qu'il évoque de nos jours ? 

Alors que, entre nous, même si ce mot fait effectivement bien peur dans le genre "Merde, j'ai un putain de cancer !" j'en connais un autre qui me fait un effet boeuf à côté : METASTASES.

Pourtant, celui-ci, tout le monde l'emploie comme qui rigole. Je le trouve dix fois pire que son confrère mais visiblement, c'est psychologique chez les médecins : on ne parle pas de cancer mais on papote métastases sans souci.

Comme je suis une rebelle, je préfère dire franco que j'ai un CANCER et que j'espère qu'il n'a pas rameuté tous ses potes. Mon mot interdit à moi c'est l'autre, celui qui me donne des sueurs froides en plein soleil et contre lequel je vais vraiment me battre. Tu me diras que je chipote, que c'est du pareil au même... Ben non, pas dans ma petite tête de cancéreuse (<= bouh !!! Si la police des mots médicaux passe dans le coin, je prends cher !)

D'ailleurs, maintenant, on ne va pas voir le cancérologue, on va voir l'oncologue. Et on ne va pas en cancérologie, on va en oncologie. Vachement plus classe au niveau phonétique. Bon, ça revient à ce que je disais plus haut : onk en grec (merci monsieur W.) signifie "masse" ou éventuellement "tumeur" et logos comme d'hab c'est l'étude. Mais TUMEUR, tu n'as pas trop le droit de l'utiliser non plus. Genre on ne va pas appeler ça la tumeurologie, non, mon petit. Tu vois bien que ça te fait déguerpir une foule hurlante de terreur comme des petits Japonais face à Godzilla ! Un peu de sérieux, je te prie. Oncologie, là c'est classieux. Et puis maintenant, grâce à Dr House, tout le monde connaît au moins un oncologue... plus besoin d'expliquer.

EDIT : à l'heure où je publie ce billet (écrit à l'avance), j'ai eu les résultats de mes examens et je n'ai pas de métastases. C'est une putain de bonne nouvelle, je suis joie. Je sais que j'ai beaucoup de chemin à faire encore mais merde quoi, je n'ai pas à me battre contre des métastases, ça c'est d'enfer je trouve, non ?