Le jour où ça s'est vu et où j'ai changé d'avis

Le cancer est une maladie vicieuse, comme j'en parlais l'autre jour avec une diabétique qui pense la même chose de sa maladie. Oui, nous nous regroupons entre boiteuses de la vie...

Comme je t'avais dit que je jouerais cartes sur table avec toi, je ne vais pas que te raconter le côté "je suis une battante", non, tu vas aussi avoir droit à mes bas. Et là, mon petit, je sors d'un bas. Et je ne parle pas de collants, hein. Un creux de vague, comme on dit chez moi. Et dis-toi que je suis nulle en surf, pour te situer.

Depuis 2 ou 3 semaines, je réalise que je suis malade. Oui, je sais, tu me diras "il était temps"... C'est à cause de ces bâtards de cheveux. J'ai tout rasé quand ils ont commencé à tomber par petites poignées. Je suis comme Sinead O'Connor sauf que j'ai pas son petit visage mignontounet (ni sa voix). Non, moi j'ai juste ma tête à moi, car, comme le dit si bien DH : "Tes cheveux là ou pas, ta tête c'est ta tête."

Voilà, ça, c'est pas moi.

Non mais c'est vrai que quand tu es dans ma situation (cancer pas métastasé, pris à temps, tumeur déjà dégagée après 2 cures...), en dehors de la semaine post-chimio où tu as autant d'énergie qu'une palourde sous anesthésie générale, le seule signe externe de ta maladie c'est ton look boule de bowling au niveau du crâne.

Alors, comme il ne faut jamais dire jamais... Je me suis payé des cheveux. Enfin, la sécu et la mutuelle m'ont payé presque tous mes nouveaux cheveux. Ouais, j'avais dit ICI que ça ne me tentait pas plus que ça d'avoir une perruque. Eh bien, j'ai changé d'avis. Parce que je peux te dire qu'à chaque fois que je croisais mon reflet dans un miroir (en allant au pipiroom par exemple, cette information était capitale), c'était la déprime assurée.

J'ai pris une coupe/couleur proche de ce que j'avais avant de tout raser, ben mon vieux : ça me change la vie. Je la porte présentement depuis plusieurs heures et je la supporte carrément. Ça ne gratte pas, ça ne serre pas, ça tient en place nickel et, sérieusement, je revis.

C'est quand même con que ce qui me pose le plus de souci dans cette histoire se résume à quelques poils de tête. Mais c'est comme ça, l'image de soi quand ton corps est aussi mou qu'un vieux chewing-gum sur l'asphalte par 40°C à l'ombre, c'est capital. Moi, ça m'a tout de suite reboosté le moral ! Il n'était pas non plus dans les profondeurs des entrailles de la Terre, mais de temps en temps je pestais carrément contre mon absence de cheveux.

Crado....

C'est d'ailleurs en partie à cause de ça que je n'écrivais plus ici. Je me sentais malade, je me voyais malade, j'avais pas tellement envie de parler de tout ça. Mais là, fallait que je fasse mon coming out capillaire, toi-même tu sais.

Voilà mon petit, comme on dit souvent, il n'y a que quand on se retrouve dans une situation qu'on sait quoi faire. Anticiper ça ne sert à rien, c'est comme quand tu es enceinte et que tu prévois des couches lavables, tout un tas de bouquins sur le maternage etc. Et quand tu accouches, tu as un putain d'abcès au nichon doublé d'une dépression post-partum : tes couches bio tu les revends vite fait sur ebay et tes grands principes sur l'allaitement tu te les mets au cul et bien profond, please. La vie c'est ça : elle nous demande d'être de vrais caméléons et de nous adapter au coup par coup. Tu peux dire "ah moi si j'étais dans cette situation je ferais ceci ou cela" mais en fait, on en reparle quand tu es vraiment dans la situation. 

Ceci dit, j'ai un stock impressionnant de foulards, heureusement qu'on peut aussi les porter autour du cou. Vivement cet hiver j'ai envie de te dire, et pas que pour ça hein... Parce que la chimio sera derrière moi aussi.

Allez, je te kiss, et je remercie d'être toujours fidèle au poste. Je m'en vais écrire un article sur ma 2° cure que je programmerai pour la fin de la semaine. J'y parlerai de beaux gosses (oui, je tease pour t'inciter à revenir).